Poétique de l’extase - France, 1601-1675

Publié le 21 octobre 2020

Un ouvrage écrit par Clément Duyck, Maître de conférences en littérature française du XVIIe siècle à l’UFR des Lettres, Langues et Sciences humaines de l’UPEC et membre du LIS

Poétique de l’extase
Poétique de l’extase
Date(s)

le 2 mai 2019

Présentation

   L’âme d’un poète vagabonde sous la forme d’un corbeau. Une servante du Dauphiné, trouvée étendue le long du foyer, est insensible au feu et aux coups de son maître. Un abbé qui n’y entendait goutte réussit durant une messe l’exégèse des passages les plus difficiles des Psaumes. Un homme assure qu’il est devenu jument tandis que son corps se tenait immobile. Une vierge revenue d’un long sommeil se met à prophétiser. Un apôtre rapporte qu’il a été ravi au troisième ciel, par-delà l’air et les étoiles. D’illustres philosophes, théologiens, mathématiciens sont trop absorbés dans leurs pensées pour réagir aux sollicitations du monde extérieur.

   De telles anecdotes, puisées dans la conférence « De l’Ecstase » prononcée le 23 avril 1640 au Bureau d’adresse parisien de Théophraste Renaudot, devaient certainement aiguiser la curiosité du public bourgeois venu écouter l’orateur. Elles n’étaient pas neuves : quelques générations d’humanistes plus ou moins sceptiques, platoniciens comme aristotéliciens, s’en étaient servi pour composer le répertoire des pouvoirs en apparence extraordinaires de l’extase. Des religieuses et des dévotes s’étaient entretemps employées à l’enrichir, en exposant par le menu leur âme ravie en Dieu au cours d’une messe, d’un entretien spirituel, d’une oraison ou des occupations ordinaires. Des personnages se prennent à crier, chanter et courir dans les rues, récoltant le rire, l’admiration, l’agacement, parfois la colère. Des poètes trouvent dans l’extase l’occasion d’être inspirés, des femmes de se raconter, des paroles d’exister. On se souvient que des théologiens fort graves, venus des temps apostoliques et scolastiques, ont pris l’extase au sérieux, suivis en cela par d’autres plus récents, à l’autorité plus fragile. En 1622, on canonise Thérèse d’Avila avec ses transverbérations et ses lévitations, nouvelle Catherine, nouvelle Brigitte.

   Une curiosité se développe de la sorte en France au XVIIe siècle, qui innerve des discours doctes et moins doctes, profanes et religieux. On prétend justifier ou démystifier ces extases en faisant intervenir le naturel et le surnaturel, Dieu, les anges, la grâce, le diable, l’âme humaine, les humeurs déréglées, la paresse, l’imagination, la simulation, l’amour-propre, la folie. Discours après discours, une mémoire de l’extase se constitue, apportant toutefois peu de lumière, servant davantage à soutenir qu’à satisfaire cette curiosité.
   Qu’y a-t-il de commun à l’extase des saints et des poètes, des sorciers et des prophètes, de la théologie et de la mélancolie, des philosophes et des illuminés qui vocifèrent leurs cantiques ? Un sens qui ne vient pas. Un excès qui poétise les corps, les comportements, la langue, les savoirs et la beauté, leur imprimant la marque d’une loi autre que celle dont ils sont jugés. Une différence qu’une littérature a voulu prendre en charge en France au XVIIe siècle, avant que l’extase ne soit définitivement reléguée aux franges des bienséances et de la religion.
 

Auteur

Clément Duyck, Maître de conférences en littérature française du XVIIe siècle à l’UFR des Lettres, Langues et Sciences humaines de l’Université Paris-Est Créteil et membre du LIS.
 

Références de l'ouvrage

Édition Classiques Garnier
Nombre de pages : 649
Collection : Lire le XVIIe siècle, n° 53
Prix : 58,00 €
Date de publication : 02/05/2019
ISBN : 978-2-406-08132-6